dimanche 17 janvier 2016

Mon maître d'école

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Emilie Thérond, journaliste et réalisatrice de documentaires, a filmé Jean-Michel Burel, son ancien maître d'école, durant une année scolaire particulière, la dernière avant la retraite.  

C'est en 2011 que débute le tournage à Saint-Just-et-Vacquières. Jean-Michel Burel, professeur des écoles  dans une classe à double niveau est aussi le maire de ce petit village du Gard. Qu'il s'agisse d'orthographe, de mathématiques, de leçons de choses ou de vivre ensemble, Monsieur Burel semble représenter à lui tout seul l'Ecole de la République. On reconnaît le pédagogue adepte de Freinet : exploration du milieu lors des promenades dans la nature, boîte aux questions, apprentissage de l'autonomie en balade champêtre ou lors du passage de la camionnette du boulanger devant l'école. 

Nommé à Saint-Just-et-Vacquières en 1972, Jean-Michel Burel parle de l'évolution du statut de l'instituteur : considéré comme un notable au XXe siècle transmettant savoirs et valeurs, l'enseignant est moins reconnu aujourd'hui. Monsieur Burel exerce pourtant son métier avec la même passion, moins sévère et rigoureux qu'à ses débuts mais toujours avec la même bienveillance. Monsieur Burel enseigne, rassure et encourage avec son accent chantant. Proche de ses élèves, qui pour certains sont les enfants d'anciens élèves, il incarne la bonhomie et la stabilité dans ce monde en perpétuel mouvement. Mais l'instituteur est aussi le médiateur qui intervient dans les querelles des élèves pour leur apprendre la tolérance et le vivre ensemble. A l'école de Saint-Just-et-Vacquières, on commémore encore le 11 novembre avec le maire-instituteur.

On est aussi ému que Monsieur Burel lorsque arrive l'heure du départ. Car c'est un peu notre enfance et notre école qui sent bon la craie qui s'envolent avec lui...


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Monsieur Burel corrige les dictées des élèves

samedi 9 janvier 2016

En mémoire et en espoir


L'espoir est une veilleuse fragile

Sur cette terre vouée au désastre
Nous tenons nous résistons
Nous nous arc-boutons
Contre vents et marées
Défiant le soleil des armes
Son éclat meurtrier

Car il faut persister persister sans fin
Dans l'âpreté des jours
Comme si l'on ne devait jamais mourir...

Dans ce poème ce n'est pas  moi qui vous interpelle
Dans ce poème ce n'est pas ma voix que vous entendez
Mais ce qui me traverse et me maintient :
L'ombre désespérée de la beauté
Cet espoir infini au coeur des hommes

Car dans nos mains qui tremblent
Cette petite  lueur de l'espoir
Est une veilleuse fragile
Au coeur de la nuit carnassière...


Bernard Mazo (Paris 2003)


















J'atteste

J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui dont le cœur tremble d'amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux que pour lui-même
liberté, paix, dignité
Celui qui considère que la Vie
est encore plus sacrée
que ses croyances et ses divinités
J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui qui combat sans relâche la Haine
en lui et autour de lui
Celui qui dès qu'il ouvre les yeux au matin
se pose la question :
Que vais-je faire aujourd'hui pour ne pas perdre
ma qualité et ma fierté
d'être homme ?

Abdellatif Laâbi (10 janvier 2015)




Liberté


Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Paul Eluard, Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)